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Vie au Béguinage « C’est à travers le travail en commun que se construit la communauté » - Religieuses du sacré-coeur de Jesus

Vie au Béguinage « C’est à travers le travail en commun que se construit la communauté »

Pour quelqu’un qui ne connaît pas le béguinage, qu’est-ce que c’est ?

C’est un lieu qui rassemble plusieurs habitations individuelles. Ce concept remonte au Moyen Âge. À cette époque, ce projet avait été initié par des Béguines pour permettre à la fois une vie de prière et une vie ensemble en communauté pour des femmes qui se posaient la question de la vie religieuse. Il s’agissait de maisons d’une ou trois personnes avec une église présente en son sein. Jusqu’au 19ème siècle, les béguins vivaient comme des religieux. Encore aujourd’hui sur les portes de certains lieux de béguinage, se trouvent les noms des saints qui y habitaient. Aujourd’hui la plupart des béguinages ne sont pas liés à une vie religieuse, il s’agit plutôt d’un habitat partagé chrétien. Le béguinage où est présente la communauté de Soeur du Sacré-Coeur à Bruxelles a gardé cette architecture traditionnelle avec la présence d’une église.

Les début de ce béguinage à Bruxelles

Le béguinage se trouve dans un quartier au carrefour de plusieurs réalités avec une richesse des cultures. Il est à la fois à côté du quartier africain (“On chante en lingala à l’église”) et à côté du quartier de l’Europe (quartier important, institutionnel et international de Bruxelles où se situe le Parlement européen). 

Les propriétaires des lieux ont toujours refusé de faire des buildings dans ce quartier. Ils ne voulaient pas le vendre à l’Europe, mais plutôt le confier à un projet chrétien. Ils l’ont alors proposé aux jésuites qui étaient déjà sur place. C’est le jésuite, Guy Martinot, qui a pris en main ce projet. Cela demandait beaucoup d’audace d’initier un tel projet. Il a voulu construire ce site en vue de développer une vie chrétienne dans sa paroisse. Il était en effet très conscient de la diminution du nombre de chrétien. Pour lui, il était convaincu de l’importance de l’existence de groupes de chrétiens par les laïcs autour de l’église, pour partager leur manière de vivre leur foi.

Aujourd’hui, le béguinage comprend une vingtaine de maisons avec des résidents qui portent tous cette foi chrétienne et ce désir de vivre ensemble. 

Qui sont vos voisins ?

Au béguinage, il y a des jeunes familles, des couples. Le voisinage est très international, même au sein des couples.  Il y a par exemple un couple belge/polonais et un couple franco/flamand. Ce mélange des cultures s’explique notamment par la présence de la “Viale” juste à côté (école internationale de jeunes). La Viale est liée à un projet d’écologie intégrale mené par les jésuites qui a attiré des jeunes de différents pays. Plusieurs couples mixtes présents se sont rencontrés via ce projet plus jeunes et ont tout de suite adhéré au béguinage qui suit ces mêmes valeurs. Parmi ces résidents, il y en a aussi qui travaillent au parlement européen. 

Les débuts du béguinage, construction de la communauté

L’intuition du jésuite, Guy Martinot a guidé ce lancement du béguinage : « C’est à travers le travail en commun que se construit la communauté » , ou encore, “Pour avoir des jeunes chrétiens, c’est par le travail ensemble”. Il y a ainsi régulièrement des travaux communautaires au béguinage. Il y a par exemple, une matinée de travail manuel proposé à la Viale. Depuis le début, cela a fonctionné avec la solidarité. Il y a eu du bénévolat, des choses qui sont venues gratuitement, puis des travaux communautaires, des échanges de services. “L’important dans ce genre de projets c’est de créer un groupe de personnes” ajoute l’une des Soeurs.

Quand et pourquoi avez-vous choisi le béguinage comme lieu de vie de la communauté ?

Chantal, l’une des Soeurs, était proche des jeunes de la paroisse. Elle avait travaillé dans ce lieu d’Église pendant 3 ans. De plus, parmi les 20 habitations proposées, il fallait une habitation de Soeurs.

En parallèle, les Soeurs commençaient à se rendre compte qu’elles devaient fermer leurs lieux successivement car la communauté était vieillissante. C’était le moment du bilan : “Quel projet voulaient-elles pour le futur ?”.

Le projet du béguinage arrivait à point et convenait étonnement à leurs besoins. Notamment pour cette Sœur française, qui a rejoint l’équipe au moment d’une période charnière pour elle aussi. C’est l’ouverture présente dans ce projet, cette ‘multi-nationalité’ qui l’a attiré. Ce projet correspond vraiment bien avec la communauté sur le plan spirituel (ex : vivre l’adoration), sur le plan des convictions solidaires et sociales (ex : accompagner les personnes dans une insertion), sur la facilité de l’intégration (tout le monde démarrait en même temps ce projet). 

Comment vivez-vous la spiritualité du Sacré-Coeur dans ce lieu ? Quels sont vos projets de congrégation ici ?

Pour les Soeurs sur place, il n’y a pas de difficulté à vivre la spiritualité du Sacré-Coeur dans le béguinage : “C’est plutôt dynamique de rejoindre le béguinage”.

  • Il se trouve que la communauté a un projet commun avec celui du béguinage : l’animation de la pastorale de l’église, l’animation des messes. D’ailleurs, le nombre de personnes à la paroisse a augmenté depuis. Les Soeurs font aussi partie du conseil pastoral. Elles rendent également des services au moment de Noël avec la crèche par exemple.
  • Cette vie au béguinage rejoint ce qu’est la spiritualité du Sacré-Coeur, à savoir : “découvrir et vivre l’Amour de Dieu par la présence (l’écoute)”. Les Soeurs ont également la chance de bénéficier d’une messe tous les jours : “Nulle part ailleurs, on a une telle possibilité de prière”.
  • La dimension éducative est aussi très présente. Le cours de langues et d’échanges interculturels pour un étudiant syrien (en droit international) en est un bel exemple.
  • La dimension internationale est bien présente
  • La solidarité, importante au Sacré-Coeur, est aussi très présente avec les quatre familles réfugiées (burundaises et syriennes) qui y sont résidentes. 
  • La dimension du partage est présente avec les nombreux temps ensemble, la vie ensemble, le partage d’un lieu commun tout simplement.

Quels sont vos engagements au béguinage ?

Le projet du béguinage avec tous ces aspects communautaires, spirituels est un projet ambitieux. Pour entrer dans un béguinage, il faut vraiment accepter l’ensemble du projet et tous ses engagements. Forte de leur vocation de religieuses, cela n’a pas été un obstacle pour les Sœurs, bien au contraire.

Comme elles ne sont plus en activité professionnelle, les Soeurs rendent beaucoup de services auprès des jeunes familles pour garder les enfants pendant la messe, pour la prière des mères, l’aide aux enfants étrangers. Mais il y a également, la participation aux travaux communautaires : balayer, aider au jardin partagé.

Il y a une réunion mensuelle avec le béguinage pour prendre les décisions ensemble, construire le projet au fur et à mesure. Cela a été l’occasion de vivre des situations qui faisaient échos à ce qui se passe dans le monde. “Dans ce microcosme, on voit ce qui se passe dans le monde”.

Le lieu de vie préféré du béguinage ?

Le jardin partagé est un lieu pour prier en premier lieu. Cela dit, il semble être plutôt utilisé pour les bains de soleil, le potager pour ceux qui ont la main verte et parfois le télétravail ! Ce jardin est un vrai lieu de rencontres, c’est le lieu préféré de ces béguins.

Le lien à la terre est ainsi très présent au béguinage. L’une des Soeurs sur place s’occupe avec d’autres résidents du potager. C’est un petit paradis pour les jardiniers et ceux qui aiment savourer les fruits et légumes de saison.

Les difficultés, les points négatifs ?

La seule difficulté est la dimension communautaire permanente qui peut être un poids dans une certaine mesure. L’une des sœurs a partagé : “On est toujours nombreux pour faire un repas ou autre. Dès qu’il y a une invitation, c’est tout le monde qui est invité. Même, lors d’un événement familial, il y a forcément 50 personnes de prime abord”. 

Pour harmoniser les rapports, le béguinage a trouvé un fonctionnement avec des délégués. Cela permet de centraliser les informations, les échanges et de faciliter ainsi la vie ensemble.

Quelle est votre joie, ce qui vous nourrit ?

Sur cette question, les Sœurs ont répondu “du tac au tac”, de manière très spontanée. La vie au béguinage semble être un vrai bonheur pour chacune : 

  • “Les rencontres, le jour de Pâques, le barbecue au jardin, le potager, les rencontres spontanées du quotidien, ‘une vie de village’ au fond»
  • “Je reçois énormément de la qualité de vie de chacun (spirituel, etc.) et j’admire beaucoup certains”
  • “Ce qui est très beau, c’est l’office. Il y a 3 offices par jour. C’est une communauté laïque qui anime. Elle reprend ce qu’on a abandonné d’une certaine manière. Et c’est beau, bien chanté. Nous animons aussi les offices de temps en temps.”
  • “L’adoration tous les jours, la Viale”
  • “Il y a un ferment chrétien ici et il y a toujours du monde”.
  • “La vie du quartier” 

 D’autres projets similaires ?

Aujourd’hui d’autres projets de béguinage se créent, avec au cœur, cette dimension chrétienne et solidaire. Il y a par exemple, un groupe de trois couples qui a eu le projet de reprendre un ancien Carmel pour en faire un béguinage. Leur idée est d’intégrer dans cet habitat partagé des personnes âgées.  

Ces nouvelles manières d’habiter nous enseignent et nous interpellent sur comment nous pouvons vivre ensemble dans le monde aujourd’hui. Ce sont des réponses aux besoins de lien, de solidarité, de spiritualité, de plus ‘d’intergénérationnel’, d’interculturalité, d’écologie…