La nouvelle encyclique du Pape
Dilexit Nos, Il nous a aimés, tel est le titre de la nouvelle encyclique du Pape François, publiée le 24 octobre 2024. Une lecture approfondie de ce texte pourra nous aider sans doute à découvrir que le contenu des encycliques sociales « Laudato si » et « Fratelli tutti » n’est pas étranger à notre rencontre avec l’amour de Jésus-Christ (n°217).
La nouvelle encyclique nous appelle en effet à un approfondissement de l’amour humain et divin du Cœur de Jésus Christ, ce cœur ouvert qui nous précède et nous attend inconditionnellement, sans exiger de préalable pour nous aimer et nous offrir son amitié : « Il nous a aimés le premier » (1 Jean 4,19). Dans le monde qui est le nôtre aujourd’hui, le cœur de Jésus nous invite à aimer en vérité et nous envoie vers nos frères et sœurs du monde entier. Les constitutions des Religieuses du Sacré-Cœur le disent bien :
Notre mission est de mettre en lumière la révélation de Dieu dont le Cœur du Christ est pour nous la source et le symbole. Constitutions n°3
L’importance du Cœur
Le premier chapitre de l’encyclique est assez nouveau dans un texte de ce genre et est centré sur l’importance du cœur, du cœur humain qui est pour chacun de nous le centre du désir et le lieu où se prennent les décisions importantes de la personne (n°3). Ce cœur humain qui me distingue, me façonne dans mon identité spirituelle et me met en communion avec les autres (n°14), ce cœur qui assemble les fragments et rend possible tout lien authentique, car une relation qui n’est pas construite avec le cœur est incapable de surmonter le morcellement de l’individualisme. (n°17).
Des gestes et des paroles d’amour
Le deuxième chapitre est une ouverture sur le Cœur du Christ, coeur humain et divin, symbole du centre personnel d’où jaillit son amour pour nous, noyau vivant de la première annonce (n°32). Gestes, regards, paroles du Christ rapportés par l’Evangile sont ainsi l’expression d’un amour qui le mènera jusqu’à donner sa vie sur la croix. Il m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. Galates 2, 20, comme Saint Paul le résumera plus tard.
Voici le cœur qui a tant aimé
La tradition chrétienne ne cessera, nous dit le troisième chapitre, de creuser le mystère de ce cœur qui a tant aimé les hommes : adoration du Christ, vénération de son image, perspectives trinitaires, puis ce sera les encycliques du Pape. Celle de Pie XII en 1956, Haurietis Aquas (Puisez les eaux), en particulier, marque un retour salutaire aux sources de l’Ecriture Sainte, ce qui recentre la dévotion au Sacré-Cœur sur l’essentiel.
L’amour qui donne à boire
Le chapitre 4, est d’une grande richesse. La multitude d’expressions de la Bible soulignant l’amour constant de Dieu pour les hommes, sa compassion même est impressionnante. Dans l’évangile de Jean, l’image du Cœur transpercé de Jésus après sa mort d’où s’écoulent l’eau et le sang, va inspirer les Pères de l’Eglise des premiers siècles et pénétrer dans les communautés monastiques.
La dévotion du Cœur du Christ sort peu à peu des monastères de nombreux saints contribuent à une large diffusion de ce culte qui touche les fidèles. François de Sales, Marguerite Marie Alacoque, soutenue par Claude La Colombière, le Père de Foucauld, Thérèse de l’Enfant de Jésus, la Compagnie de Jésus, chacune à leur manière, ont un rayonnement considérable,. Plus proche de notre époque, nous rencontrons des personnes comme saint Pio de Pietrelcina ou Teresa de Calcutta. Et bien sûr Jean Paul II qui a tant souligné l’aspect de la miséricorde.
La dévotion du Sacré-Cœur revêt peu à peu des accents nouveaux. Elle se manifeste par exemple dans l’œuvre évangélisatrice et éducative de nombreuses congrégations religieuses. Parmi tant d’autres, le Pape cite les religieuses du Sacré-Cœur : Poussées par l’amour du Cœur de Jésus, nous cherchons à faire grandir les personnes dans leur dignité humaine, à partir de l’Evangile et de ses exigences d’amour, de pardon, de justice, et de solidarité avec les pauvres et les marginalisés (n°150).
Un autre courant spirituel se développe autour de la « consolation« . Il faut lire ici l’encyclique pour mieux comprendre. D’une part la Passion du Christ transcende par la grâce de Dieu, toutes les distances de temps et d’espace (n°153). Le cœur du croyant se sent lui aussi appelé à consoler les autres en quelque tribulation que ce soit (n°162). Cela nous invite à chercher à approfondir la dimension communautaire, sociale et missionnaire de toute dévotion authentique au Cœur de Jésus (n°163).
Amour pour amour
Le cinquième chapitre invite encore plus à la méditation. Nous devons revenir à la Parole de Dieu pour reconnaitre que la meilleure réponse à l’amour de son Cœur est l’amour pour nos frères. Il n’y a pas d’actes plus grand que nous puissions offrir pour lui rendre amour pour amour (n°167). La réparation longtemps expression maladroite d’une intuition mal comprise et pourtant répandue, c’est construire sur les ruines, réparer les cœurs blessés, pratiquer le pardon. Sainte Thérèse de Lisieux va plus loin encore en parlant d’offrande à l’amour.
La conclusion de l’encyclique est d’une grande actualité : Il s’agit de réinventer l’amour dans un monde où la capacité d’aimer semble définitivement morte. De même, l’Eglise aussi a besoin (de cet amour) pour ne pas remplacer l’amour du Christ par des structures dépassés, des obsessions d’un autre âge, adoration de sa propre mentalité, des fanatismes de toutes sortes qui finissent par prendre la place de l’amour gratuit de Dieu qui libère, vivifie, réjouit le cœur et nourrit les communautés. Un fleuve qui ne s’épuise pas, qui ne passe pas, qui s’offre toujours de nouveau à qui veut aimer, continue de jaillir de la blessure du côté du Christ. Seul son amour rendra possible une nouvelle humanité (n°219).
Maryvonne Duclaux, rscj